Une dizaine de leaders politiques, tous membres de l’Alliance du 31 mars, ont été placés lundi sous mandat de dépôt par le tribunal de la Commune V du district de Bamako pour « tentative de déstabilisation, atteinte à la sureté et trouble à l’ordre public ». Leurs partisans parlent « de désactivation de la classe politique » et réclament leur libération immédiate.
Un dispositif sécuritaire impressionnant quadrillant la zone, coupant les routes et empêchant tout accès au tribunal de grande instance de la Commune V, annonçait déjà la couleur.
Ce n’est pas un jour ordinaire au tribunal de la Commune V. Et pour cause : une dizaine de responsables politiques, tous membres de l’Alliance du 31 mars qui réclame le retour à l’ordre constitutionnel, arrêtés jeudi au domicile de Moustapha Dicko, ancien ministre et membre de l’Adéma-PASJ, sont présentés devant un juge. Une grande foule s’était amassée aux abords du palais de la justice afin d’apporter son soutien aux personnes arrêtées.
Les prévenus, qui étaient sous bonne escorte des forces de l’ordre, n’ont pas eu le temps d’échanger avec leurs militants, proches et parents. Ceux-ci avaient bon espoir que l’affaire se borne à un simple garde à vue.
Après quelques heures d’attente, le verdict tombe : Mamadou Traoré, président du parti Union ancien candidat à l’élection présidentielle de 2018, Moulaye O. Haïdara du parti PDS, Amadou Maïga, vice-président du RPM, Samba Coulibaly du parti NEMA ; Abdrahamane Koréra, de l’Asma CFP, le parti de l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga, Laya Guido, économiste à la FSEG ; Adama Maïga, Male Camara, du Cndr, Mamadou Traoré dit le Roi, Alternative pour le Mali, les anciens ministres Yaya Sangaré de l’Adéma-PASJ et Moustapha Dicko, également de l’Adema PASJ, ont été placé sous mandat de dépôt par un juge d’instruction du tribunal de grande instance de la Commune V.
Une désactivation de la classe politique
Ils sont accusés de « tentative de déstabilisation, atteinte à la sureté et trouble à l’ordre public » pour s’être réunis dans un domicile privé de l’un d’entre eux en violation, selon les autorités, du décret portant suspension des activités politiques des partis politiques et des activités à caractère politique des associations, pris par le gouvernement début avril.
L’ancien ministre Me Mohamed Ali Bathily, président du parti Fa So Den, n’a pour le moment pas été incarcéré en raison de son statut d’avocat. On ignore pour l’instant s’il y a une procédure spécifique contre lui. Surtout que la justice n’a jusqu’ici pas communiqué sur le sujet.
L’arrestation puis l’incarcération des opposants politiques, qui ne manquent de rappeler les années de braise, ont entraîné un levier de bouclier notamment sur les réseaux sociaux. De nombreux internautes maliens dénoncent le deux poids deux mesures pointant la rencontre (cérémonie de présentation de vœux) des membres du M5-RFP au Premier ministre, Dr Choguel K Maïga, à son domicile.
La plateforme Alliance du 31 mars, qui réclame la mise en place d’une nouvelle architecture de la transition afin de permettre un retour à l’ordre constitutionnel, et dont sont issues les personnalités incarcérées, parle « d’une désactivation de la classe politique à des fins inavouées et exige des autorités en place, l’abandon pur et simple des poursuites contre les camarades injustement arrêtés et détenus ».
Obtenir la libération des personnes arrêtées
Dans un communiqué, les Parties signataires de la déclaration commune du 31 mars 2024 dénoncent cet énième assaut des autorités en place contre les libertés fondamentales, protégées par nos Constitutions et nos lois, notamment l’inviolabilité des réunions privées consacrée par l’Ordonnance n⁰36/PCG de 1959 sur la liberté de réunion, citée au huitième VISA du décret liberticide du 10 avril 2024, portant suspension des activités des partis politiques et des activités à caractère politique des associations. D’ores et déjà, ils assurent que « Les avocats de la défense mettront tout en œuvre pour faire respecter les droits de nos camarades injustement détenus et obtenir leur libération ».
Déjà, dimanche, Modibo Sidibé, président des FARE An Kawuli, dont la formation politique est membre de M5-RFP Mali Kura, s’est exprimé sur le sujet. Il suit, assure-t-il, avec « préoccupation » la situation de ses camarades récemment arrêtés lors d’une réunion privée ». « Ces pratiques, en totale contradiction avec les principes et les idéaux que nous portons, ne peuvent être tolérées », a martelé l’ancien Premier ministre.
Le placement sous mandat de ces opposants politiques intervient au moment où le climat politique est tendu avec notamment la dissolution de la CMAS de l’Imam Mahmoud Dicko, de l’association Karoual Renouveau, de l’AEEM et la tentative de dissolution du parti SADI, présidé par Oumar Mariko, l’opposant politique en exil.
Abdrahamane SISSOKO