La semaine dernière, dans la foulée des attaques meurtrières et autres incidents aériens à répétition, le gouvernement de la transition a surpris les observateurs de la scène publique par une annonce lourde d’implications pour le retour à l’ordre conditionnel. Il s’agit d’une décision aux relents d’oukase, qui se résume au renoncement à tous les autres rendez-vous électoraux au profit de la seule élection présidentielle. Tout en donnant l’air d’accorder la priorité au retour tant attendu à la normalité républicaine, la mesure s’assimile plutôt a un saut assumé dans l’inconnu. La prochaine étape du processus électoral, après le gage de l’épisode référendaire, replonge en effet dans l’incertitude, au mépris des promesses et assurances données à la CEDEAO ainsi qu’à la communauté internationale toute entière sur le cap de Février 2024.
Selon le même communiqué porté par le ministre d’Etat en charge des élections, il est notamment mentionné en filigrane que l’unique consultation retenue pendant la durée de la Transition est différée sans la moindre indication d’une nouvelle échéance.
Quand l’ordre constitutionnel ne vaut pas 5 milliards
La principale raison évoquée n’est manifestement pas celle qu’on attendait, mais elle se présente tout autant sous les traits d’un alibi, pour beaucoup d’observateurs. Il s’agit de l’indisponibilité des bases RAVEC sur lesquelles repose le fichier électoral et que les autorités disent vouloir enrichir de nouveaux inscrits en âge de voter, pour plus de participation à la prochaine présidentielle. Or le même fichier avait pourtant servi aux opérations référendaires précédemment validées par les mêmes autorités avec un taux participation dont elles admettent finalement l’insignifiance. À cette incohérence s’ajoutent par ailleurs les explications peu convaincantes sur lesquelles reposent les raisins de l’inaccessibilité des données détenus par le concepteur du Ravec, en l’occurrence la société IDEMIA sur laquelle le communiqué fait pleuvoir toute un torrent d’incriminations. Pour avoir refusé de libérer la clé d’accès au système, le prestataire franco-américain est notamment accusé de faire obstacle au processus électoral malien alors qu’il ne lui est reproché aucun manquement à ses obligations contractuelles. Le mot de passe en cause n’étant libérable, en effet, qu’après règlement de totalité du montant de la prestation, soit 17 milliards sur lesquels 5 milliards restent en souffrance. Il était donc loisible de consacrer les efforts au paiement de ce reliquat pour être en phase avec le délai initial convenu pour le retour à l’ordre constitutionnel. Au lieu de quoi, le rendez-vous s’englue finalement dans un processus beaucoup plus tortueux et complexe en étant suspendu au basculement annoncé des bases données sur un système plus autonome ainsi qu’à l’élaboration d’un mécanisme d’enrôlement et de révision en ligne pour un pays où l’écrasante majorité des électeurs n’ont qu’une maîtrise rudimentaire de l’informatique. Il n’y a pas meilleur moyen, en définitive, d’enliser le retour à l’ordre constitutionnel, au nez et à la barde d’acteurs politiques médusés devant la survenue de motifs autres que les obstacles sécuritaires auxquels elles s’attendaient.
Rassemblées par la Rédaction
Source : Le Témoin 3 Oct 2023